J'entre dans un lieu magique, un lieu de culte. Il est temps de convoquer les divinités des lieux, Baudelaire, Brummell, Wilde, les lions des clubs, les fantômes de cafés. J'ai avec moi le journal de Michel Onfray qui célèbre les dandys et ne manque pas de faire un hommage à George, l'illustre père. Immersion dans les bruits de verres, conversations mélangées, un peu plus haut, "Un Perrier, un Orangina, stop ! Diabolo fraise, Vittel menthe, stop !". Vacarme rassurant et indispensable, le tabac renforce l'unité des lieux et rend l'ambiance vaporeuse.
Rituel de création d'un moment blanc, gommage d'un temps indéterminé, on repousse le passé et l'avenir chacun de leur côté pour laisser place à un instant où l'on ne court pas vers nulle part.
On m'observe parfois, en me voyant écrire seul à ma table, on pense peut-être que je suis écrivain, malheureusement on pense certainement que je travaille. Je mène un combat permanent à la limite du conscient : repousser l'idée qu'il va bien falloir sortir, retrouver la voiture, payer le parking, conduire, péage, clé, porte, repas, vaisselle, sommeil, travail. Ingrédients de la destruction de tout ce que l'on peut s'échiner à incruster de romanesque dans la vie à grands coups d'évasions planifiées. Wilde écrit que la réalité est tout sauf romanesque, que l'on a des désirs romanesques, des souvenirs romanesques, et c'est tout.
Un pansement confortable : voir tous ces médiocres nécessaires, tout ce désespérément utile comme l'envers du décor, la préparation du spectacle.
Dommage qu'il faille travailler pour payer le loyer des coulisses, les costumes...
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1 commentaire:
J'écris mieux dans les aéroports, les gares... mais je ne sais pas pourquoi tous ces lieux de passage humain sont si "porteurs". Et il est en effet si dur de les quitter.
Bravo pour ce très beau texte.
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